Interdiction de la prière dans les écoles québécoises : le jugement attendu 

9:38 - June 14, 2023
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Un tribunal s’est penché mardi sur le décret du gouvernement caquiste qui interdit les locaux de prière dans les écoles québécoises. Des groupes ont demandé au juge Lukasz Granosik, de la Cour supérieure, de suspendre l’application de cette mesure en attendant un jugement final sur sa validité. Selon eux, une telle interdiction est « déraisonnable et illégale ».

Invoquant « le caractère laïque de l’école publique », le gouvernement québécois avait transmis en avril dernier une directive aux écoles afin que leurs locaux ne soient plus utilisés pour des « prières manifestes ou d’autres pratiques similaires ». Cette directive fut rapidement appuyée d’un décret.
Selon le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, la présence de tels locaux n’était tout simplement pas compatible avec le principe de laïcité de l’État québécois. « L’école, ce n’est pas un lieu de prière », clamait-il.

Mais le décret a changé bien des choses pour un élève de confession musulmane qui fréquente une école secondaire de Montréal. Alors qu’il priait sur le terrain de l’école ou dans un local autorisé — sans que cela ne soulève de problème, est-il allégué dans la procédure judiciaire —, il s’est fait aviser que ce ne serait désormais plus possible en raison de la nouvelle directive gouvernementale. Selon les préceptes de sa foi, il doit faire cinq prières par jour à des moments précis, dont une sur l’heure du lunch. S’il quitte le terrain de l’école pour sa prière, il risque d’arriver en retard à son prochain cours, est-il allégué. Le jeune de 16 ans demande que le décret soit invalidé, car il est contraire à sa liberté de religion protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.

Sa situation « est représentative de celles de plusieurs étudiants et enfants dans les écoles primaires et secondaires au Québec qui ne seront plus en mesure de librement pratiquer leur foi ».

La demande d’invalidation du décret est pilotée par le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) et par l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), qui jugent la directive caquiste inconstitutionnelle. Celle-ci va d’ailleurs plus loin que l’interdiction des locaux, car elle vise toute pratique religieuse, soutiennent-ils, ajoutant qu’elle enlève aussi toute possibilité aux écoles d’offrir un accommodement raisonnable aux élèves qui en font la demande.
Répercussions sur les musulmans
 
L’ACLC estime que le décret a un effet disproportionné sur les élèves de confession musulmane, car leurs prières ne sont ni silencieuses ni discrètes, a expliqué Laura Berger, avocate-conseil au sein de l’organisation.

« Cela envoie un message d’exclusion », a-t-elle soutenu en conférence de presse mardi devant le palais de justice de Montréal, peu avant l’audience. « La directive du ministre de l’Éducation est une autre règle qui vise à bafouer les droits des minorités religieuses au Québec. »

Et à ceux qui disent que les écoles sont des lieux d’enseignement et non pas de culte, le p.-d.g. du CNMC, Stephen Brown, réplique que les élèves ont aussi des besoins émotionnels lorsqu’ils sont à l’école et que le décret leur impose de laisser « une partie d’eux-mêmes en quittant la maison ».
Les enfants ne devraient pas être obligés de se cacher pour prier, dénonce-t-il.
 
Selon Me Berger, aucune province canadienne n’a formulé d’interdiction aussi vaste contre les locaux de prière dans les écoles.

Le but de leur demande en justice n’est pas qu’il y ait une salle réservée à la prière dans chaque école, mais plutôt que chaque établissement puisse trouver une solution raisonnable pour ses élèves qui souhaitent prier en toute sécurité.

Le gouvernement du Québec a défendu son décret devant le magistrat, soutenant qu’à l’instar de toutes les lois et directives gouvernementales, il est présumé avoir été adopté dans l’intérêt public. Il n’est donc pas question de suspendre son application avant un examen constitutionnel complet, maintient-il.

D’autres groupes musulmans avaient déjà déposé une demande afin de faire invalider le décret. Il est possible que les deux recours soient joints pour qu’il y ait un seul procès.

Le juge Granosik a indiqué qu’il souhaitait rendre jugement mercredi matin.

Le Devoir

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